Internet des Objets, après le Web 2.0

Extrait du livre « l’Internet des Objets… Internet, mais en mieux », Éditions AFNOR (ISBN 978-2-12-465316-4)

Jusqu’à maintenant, l’autonomie et l’intelligence nécessaires à l’élaboration d’un comportement intelligible sur la toile, celles qui permettent de traiter la complexité des échanges ou des partages – notions que l’on retrouve parfois dans le concept de « logique floue » – était assurée par des acteurs humains. En effet, mettant en avant l’aspect collaboratif, le Web 2.0 est caractérisé par la généralisation des « humains-acteurs » sur Internet. Cette notion d’« acteur » implique ici des principes d’action et d’autonomie qui sont opposés à celui de passivité.

Pour étudier ce type de comportements, Herbert A. Simon avait introduit le concept de « rationalité limitée » dans les domaines de la sociologie et de l’économie sur la base de travaux de recherche en psychologie cognitive. Dans la lignée des travaux sur la cybernétique, Janusz Bucki a, par la suite, proposé une modélisation mettant en exergue la recherche, par les acteurs agissant dans un contexte quasi chaotique, de leur équilibre cognitif. Cette recherche s’effectue par des mécanismes auto-référentiels jouant, entre autres, sur deux facteurs – la tolérance et la sensibilité – justifiant ainsi la subjectivité du comportement de ces acteurs (ou organes décideurs) : décisions, actions, perception et compréhension.

Pour intégrer ce que nous définirons comme des cyberobjets et leur donner les « moyens informatiques » de se comporter également en acteurs autonomes dans les chaînes de valeurs dans lesquelles ils s’inscrivent, de nouvelles (mais le sont-elles réellement ?) approches systémiques et récursives, se révéleront utiles en complément des seules approches analytiques (trop limitées). Les travaux cités plus haut, parmi d’autres, seront ici déterminants.

Changer d’approche pour appréhender l’Internet des Objets est d’autant plus nécessaire que les cyberobjets vont souligner l’importance des constats établis par « l’école sociotechnique » dans les années 50-60 qui s’est attachée à démontrer que le changement technologique impactait fortement les organisations humaines. Hommes et automates sont désormais les composantes d’un même système et l’ingénierie des organisations – tout comme la conception des systèmes d’information – doit appréhender ce système comme un tout.
Or, qu’observe-t-on aujourd’hui ? Une délégation de plus en plus forte des décisions les plus simples aux machines, ce qui – dans une logique purement fonctionnelle – accentue la rigidité opérationnelle des organisations (entreprises, administration…) et les risques d’effet domino ; tandis que les humains restent responsables des décisions les plus complexes et demeurent les seuls acteurs responsables en matière de risque. Cette nouvelle répartition des rôles a un impact certain sur la façon de piloter les opérations, la gouvernance, la gestion des risques, etc., et génère du stress chez ceux qui restent responsables in fine : les humains.

Si nous en restons là et si nous n’y prenons pas garde, avec ce qu’on appelle aujourd’hui les « objets communicants » (objets sur lesquels sont ajoutées des technologies sensorielles et des technologies de réseau qui leur permettent d’envoyer des informations via Internet à destination d’autres objets, de programmes informatiques ou d’humains), nous allons rajouter du « chaos au chaos » : en effet, Internet n’est qu’un immense assemblage de systèmes sociotechniques répartis !

C’est donc notre façon d’appréhender l’ingénierie des organisations ainsi que notre capacité à modéliser et concevoir des systèmes d’information qu’il faut revoir si nous voulons éviter les catastrophes. L’enjeu – en ce début de XXIe siècle – est de changer de paradigme et d’aller au-delà des approches dites « fonctionnelles » ou du déterminisme régnant dans nos schémas mentaux. En octroyant aux objets de la vie courante des rôles moteurs dans les chaînes de valeurs – c'est-à-dire en les rendant capables d’agir par eux-mêmes – nous accentuons des problématiques déjà existantes.

En l’espèce, l’Internet des Objets pourrait devenir la couche de trop, celle qui projette notre civilisation technologique dans le chaos numérique... à moins que (voir : www.business2any.com) ?

Philippe GAUTIER

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