Internet des Objets et entreprise étendue
Le concept d’Internet des Objets généralise
l’échange et le partage des informations, au-delà des humains et des objets
numériques (logiciels, services Web …), mais il intervient dans un contexte de
société de l'information immature.
Le concept d’Internet des Objets généralise
l’échange et le partage des informations, au-delà des humains et des objets
numériques (logiciels, services Web…), en incluant les objets physiques. Cette
idée renforce ainsi celle selon laquelle Internet serait le support fédérateur
et universel d’interopérabilité de systèmes d’information jusqu’ici cloisonnés : le « système nerveux » de notre civilisation
planétaire en somme.
Cette vision est à modérer
cependant… L’Internet des Objets intervient dans un contexte de « société
de l’Information immature ». Les systèmes d’information, quelles que
soient leurs tailles, sont majoritairement déterministes et cloisonnés car
basés sur des approches fonctionnelles et des relations mécanistes de
cause à effet : leur rigidité est peu compatible avec la réalité
opérationnelle et l’ouverture, notions qui signifient « capacité d’adaptation
». Les systèmes communautaires du Web ne sont, eux, ouverts, que parce que
l’intelligence nécessaire à l’adaptation est « fournie » par l’humain
(le Web n’est qu’un support). Dans ce contexte, multiplier les « objets
communicants », accentuer les interconnexions entre systèmes rigides équivaut
sans doute à verser la goutte d’eau de trop, celle qui fait déborder le vase et
précipite le monde numérique dans le chaos.
L’expérimentation en grandeur
nature et en boucle semi-ouverte de la technologie RFID et des
standards EPCGlobal par Wal-Mart (N° 1 mondial de la
distribution) en est une illustration. Cette société avait unilatéralement
imposé l’utilisation de la RFID à ses cent premiers fournisseurs pour gérer sa
chaîne d’approvisionnement (voir : http://www.zdnet.fr/actualites/la-strategie-rfid-de-wal-mart-marque-le-pas-39147307.htm).
Elle a dû freiner très vite ses ambitions en matière de déploiement,
rencontrant des problèmes d’intégration importants, notamment dans ses systèmes
d’information.
L’utilisation de nouvelles
technologies impacte en effet fortement les organisations cibles ; et
les approches actuelles, « techno centrées », ne prennent presque jamais
en compte la double dimension sociotechnique des organisations. En
l’occurrence, les technologies sensorielles (les « sens »
de l’organisation qui lui permettent d’appréhender son entourage, comme la
RFID, le NFC, le GPS ou même les "vieux" codes à barres), les
systèmes d’information (les « automates » à qui sont déléguées
certaines tâches) et l’organisation humaine sont un seul et même système et
doivent être considérés comme un « tout ». Dans ce contexte, s’ouvrir vers
l’extérieur est une problématique « globale » qui impacte l’ensemble
de l’organisation et qui ne saurait être gérée par la seule technologie
(surtout s’il s’agit des technologies sensorielles) : donnez des yeux, un
nez, une bouche et des oreilles à une huître, elle n’en sera pas plus
intelligente ni plus sociable.
D’autres distributeurs, tel Carrefour en
France, ont conséquemment ciblé leurs déploiements sur des boucles fermées
(processus internes contrôlés), en choisissant de procéder par étapes plus
facilement maîtrisables.
La multiplication des applications
mobiles illustre également bien ce problème : plutôt que de s’émerveiller
de cette prolifération comme le font bon nombre de nos contemporains, ne
faut-il pas se poser – à long terme – la question de l’incapacité de ces
applications à inter-opérer afin de créer de nouveaux types de services ?
Il existe une « moyenne de soixante téléchargements d'applications pour
chaque machine sous iOS », dont les Iphones (source : http://www.liphone.org/index.php/6858-Une.html) :
combien savent « échanger » ensemble ? Combien sont réellement
utilisées ? À quelle charge horaire s’élève l’effort cognitif de
chaque utilisateur pour maîtriser les soixante applications (les maîtrise-t-il
toutes d’ailleurs) ?
S’ouvrir, pour une organisation,
consiste à intégrer de nouvelles organisations ou de nouveaux acteurs (ou de
s’intégrer elle-même dans une autre organisation) afin d’opérer des partages ou
des échanges (de ressources, de moyens…) lui permettant de réaliser ses
objectifs (ou de participer à la réalisation des objectifs de l’organisation
d’accueil). Dans ce contexte, l’intégration s’accompagne d’échanges
d’informations. La flexibilité de l’organisation ne repose donc pas tant sur sa
capacité à échanger des informations que sur sa capacité à partager, au sens
large… c'est-à-dire à s’adapter selon les circonstances et les nécessités. L’échange
d’informations est ici une conséquence du partage et de la mise en commun
d’objectifs, une condition nécessaire mais pas suffisante.
Nos organisations sociotechniques
sont aujourd’hui peu flexibles (car la « composante technique » nous
handicape au lieu de nous aider) et la distinction qui est faite entre
« organisation » et « systèmes d’information » accentue
cette rigidité. Faut-il donc, dans ce contexte, sauter le pas de l’Internet
des Objets sans se poser préalablement les bonnes questions ?
Extrait de l'ouvrage
"Internet des Objets, Internet mais en mieux ?" de Philippe Gautier
et Laurent Gonzalez.
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