Ce que l'IA (Intelligence Artificielle) peut permettre, en matière de changements de paradigmes socio-économiques


Abstract : L’Intelligence Artificielle, en tant qu’artéfact « ultime » de notre espèce, devrait nous permettre d’appréhender de nouvelles formes d’organisation, notamment dans le cadre de ce qu’il est coutume d’appeler l’économie collaborative et solidaire. Mais il ne s'agit pas nécessairement de l'IA dont on nous parle en permanence.

Aujourd’hui, lorsque une personne exprime un besoin, l’effort (le coût) de l’organisation qui lui permet d’identifier une offre adéquate et d’y accéder (afin que le besoin soit satisfait) est essentiellement porté par des structures verticales et centralisées : commerciales (grande distribution, constructeurs, plateformes numériques, etc.) ; ou publiques (administrations, services publics, etc.).
Toute l’économie capitaliste actuelle repose sur ce principe, qui a permis à de nombreuses entreprises de prospérer (Ford, GM, Sanofi, Carrefour, Jacques Dessange, ou encore Apple). Dans les domaines commerciaux ou associatifs, si l’Intelligence Artificielle (IA) pouvait permettre de s’affranchir de ces structures (c’est à-dire de supporter à chaque fois l’effort – ou le coût – de l’organisation à mettre en œuvre), une économie nouvelle, horizontale et locale, pourrait dès lors se développer à grande échelle. En effet, l’IA deviendrait ainsi un puissant assistant personnel, permettant au citoyen-consomm’acteur d’interagir avec son environnement, bien plus que ne le permettent les plateformes numériques existantes, qui ne font que répliquer un schéma vertical et centralisé, mais structurellement limité. Les secteurs visés sont notamment ceux de l’économie locale, collaborative, solidaire : entraide entre voisins, amis, etc.

Le but recherché ici est en effet d’émanciper tous les acteurs socio-économiques, notamment à l’échelle individuelle ou locale. L’IA dont il est question leur donne les moyens d’intermédiation nécessaires pour collaborer selon leurs propres intérêts et contraintes, quels que soient le contexte (gestion « en situation »), l’échelle, le moment ou le lieu. Un autre objectif est de proposer une approche qui préserve les données privées des utilisateurs, et qui ne les place pas en situation de ‘soumission’ économique ou numérique vis-à-vis d’un tiers (dépendance).

L’approche visée est donc une réponse GLOBALE, à des problématiques essentiellement LOCALES ('Glocale') : afin de viser une démarche la plus contextuelle possible, cette IA doit être embarquée de façon quasi-intégrale sur les mobiles (application en OPEN SOURCE), et ne dépendre que peu ou pas du tout de ressources centralisées (modèle UBER).

En effet, l’Uberisation, est une forme ‘hi-tech’ du modèle capitaliste usuel des entreprises. In fine, ‘Ubériser’ consiste à proposer un service de ‘tiers de confiance’ sur un marché donné, tout en déléguant les coûts et risques productifs à des acteurs tiers. Le 'business model' des entreprises ‘Uber-like’ consiste donc le plus souvent, sur un marché verticalisé (où ces entreprises disposent d’une expertise avérée), à faire produire par les autres, et faire payer leur autorité (ou caution) de tiers de confiance par les consommateurs, souvent par le biais d’une redevance sur les transactions effectuées.

In fine, l’application OPEN SOURCE (le modèle Open source étant le seul existant à prétendre à une certaine universalité) doit permettre de rétablir le seul schéma de collaboration microéconomique réellement applicable à l’échelle locale : celui où, dans des échanges pair-à-pair et contextuels, la demande (spécifique) pilote l’offre (adaptative). 

Les plateformes dites ‘collaboratives’, qui font souvent l’inverse, sans réelle adaptation et en standardisant l’offre, en sont fonctionnellement et structurellement incapables.
Pour y parvenir, elles doivent se retrouver rapidement en situation monopolistique sur leur marché (acquisition d’utilisateurs : producteurs et consommateurs), pour mieux le verrouiller à leur seul profit, et asseoir cette autorité. Elles le font en centralisant, sur des plateformes digitales accessibles via Internet, une offre verticalisée et pléthorique, afin de satisfaire le mieux possible une demande difficile à anticiper.
Sur ces plateformes, l’offre de masse (la plus formatée possible) y stimule la demande (la plus standardisée possible) via une démarche / approche marché verticale, de haut en bas.

L’Ubérisation reproduit ainsi - en plus efficace (digital) - le schéma habituel de l’économie de consommation de masse, dans laquelle le marketing est omniprésent… il n’y a en effet aucune différence intrinsèque entre une compagnie "classique" de taxis et la société UBER, si ce n’est dans la façon de faire (outils). Les critiques usuellement applicables à cette économie de masse sont donc applicables de la même façon à ces plateformes (surproduction entraînant la surconsommation via la stimulation excessive de la demande solvable - marketing et publicite -, pollution, épuisement des ressources, notamment).

À l’échelle des utilisateurs, ces plateformes n’ont cependant rien de 'collaboratif', comme – pourtant - elles le prétendent. Notamment parce que leur offre reste standardisée (massification oblige). Au contraire, collaborer entre acteurs individuels (n'importe qui vers n'importe qui) est une activité hautement contextuelle, qui se pratique essentiellement de pair à pair (non centralisée), de préférence sans autorité commerciale tierce. Un échange vraiment ‘collaboratif’ opère donc souvent sur la base d’une confiance préétablie (ou établie ad-hoc) entre deux acteurs, de façon horizontale (ou latérale) ; parfois verticale (construite de bas en haut’ : émergence de co-organisations). Il repose sur le principe initialement à la base de tout échange : la demande y pilote l’offre, qui s’adapte et fait, si nécessaire, du ‘sur-mesure’.

Ainsi, toute solution digitale permettant, réellement, la collaboration entre utilisateurs, ne peut se faire qu'en mode distribué (ou pair-à-pair), par le biais de la mise à disposition d'outils auto adaptatifs ‘situés’ (selon le contexte), et qui fonctionnent en temps réel. Ces outils permettent ainsi aux acteurs (offreurs / demandeurs) de s'auto-organiser les uns avec les autres, en toute autonomie. Un tel écosystème ne peut également reposer que sur une confiance établie de proche-en-proche, sur la base de recommandations qui diffusent par le ‘bouche-à-oreille’, et donc pas sur des échelles arbitraires et pseudo-objectives, agrémentées d’avis souvent concurrentiels ou faux. Ces arguments confirment le besoin d'une application de type "mobile", dont l'intelligence est essentiellement embarquée, et capable d'aider son utilisateur humain en contexte et en temps réel, selon ses besoins.

Les échanges/transactions s’effectuant de mobile à mobile, et les seules intelligences logicielles engagées étant déportées sur les mobiles, l’ensemble du système devait donc pouvoir facilement monter en charge, que ce soit en termes de volumétrie de transactions ou de typologie de services proposés. À contrario, les plateformes centralisées ne peuvent traiter qu’une seule typologie de service à la fois (covoiturage, ménage, baby-sitting, location immobilière, etc.), et – pour la plupart - ne peuvent pas supporter des centaines de millions de transactions simultanées (voire centaines de milliards).

Rien n’étant centralisé, les intelligences distribuées n’échangeant que le strict minimum, et ne partageant aucune donnée sensible (agendas, bases de contacts…), une solution Peer-to-Peer OPEN SOURCE devrait permettre de préserver les données personnelles des utilisateurs.

En outre, le fonctionnement pair-à-pair devrait aussi permettre aux utilisateurs de « s’auto-organiser » les uns avec les autres. Ainsi, chacun resterait dépositaire de sa propre organisation et de ses échanges. Cela permettrait d’éviter les critiques qui sont faites usuellement aux services centralisés, qui restent les seules autorités dépositaires en matière d’organisation de la communauté (règles et processus, priorités, contraintes, etc.). Il est donc important de ne pas cibler un outil qui ‘organise’, mais plutôt un outil qui permette aux acteurs de ‘s’auto organiser’ avec leurs pairs.

Dans le schéma visé, l’assistant devra se comporter selon la même logique que celle qui aurait été suivie par un assistant humain, avec le même type d’interactions. Cet assistant devra donc être capable d’interagir en permanence avec l’utilisateur (délégation d’objectifs, arbitrages, choix…), et reposer sur deux fonctions principales :
1) Pour l’utilisateur, permettre de trouver les bonnes ressources dans son propre réseau de confiance, via une cooptation (de type bouche-à-oreille) digitalisée : il s’agit en quelque sorte de proposer un service de ‘conciergerie de proximité’. Inversement, pour ce même utilisateur, permettre de proposer ses services à la communauté, partager ou louer ses biens (Internet des Objets),
2) Une fois cette / ces ressource(s) identifiée(s), organiser les acteurs dans le temps et l’espace pour permettre à l’offre de s’adapter pour satisfaire le besoin. Il s’agissait en quelque sorte de proposer un service de ‘secrétariat embarqué’.

Parce que la confiance est une notion subjective, propre à chacun, cette application devra permettre à tout demandeur de trouver rapidement et facilement, dans son réseau proche, les ressources qui pourraient répondre de façon optimale et adaptée à ses besoins, en toute confiance et selon ses seuls critères d’évaluation.

Il s'agira donc d'un ‘concierge embarqué’ sachant répondre à tous les besoins, capable de trouver les bons partenaires. À l’issue de chaque échange réussi, les acteurs se recommanderont mutuellement, ou pas, via cette application ; la notoriété/empathie de tous (demandeurs & offreurs) diffusant ainsi dans le réseau. Le partage des recommandations sera donc établi (et accessible) de proche-en-proche.
En cas de surcroît d’activité, tout offreur (ou ressource) dont la notoriété (basée sur les recommandations) générerait une activité importante, pourra même autoriser l’application à effectuer des transferts de demande... et faire travailler les partenaires en lesquels il a toute confiance (micro-franchises ad-hoc, selon le volume d’activité, créées par émergence).

Une fois cette / ces ressource(s) identifiée(s), l'application devra permettre au demandeur de négocier et planifier rapidement et facilement des RDVs avec elle(s), quel que soit leur nombre, et indépendamment du contexte (privé, professionnel). Cette application sera donc aussi un assistant (ou secrétaire) sachant négocier le bon rendez-vous, avec quiconque, et quelles que soient les contraintes des uns et des autres.

Une telle initiative, pour rester neutre et universelle, ne peut s’inscrire dans une démarche commerciale, ni reposer sur une structure privée (dont la finalité est de générer des revenus). Le modèle OPEN SOURCE visé, par essence collaboratif ne doit permettre que d'alimenter l'écosystème et faire évoluer - techniquement - cette IA embarquée.

Ce type d'initiative peut donc être entrepris qu'à des niveaux "compatibles" avec la démarche : fondations, associations, autorités publiques, etc.

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